Lectrice (lecteur tu es moins concerné mais lis quand même, se culturer c’est important), tu en as croisé souvent. Et pourtant il reste un mystère. Qu’est-ce qui peut bien pousser un être humain à vouloir passer ses journées la tête entre des cuisses féminines à farfouiller dans des vagins (à part DSK ou les acteurs porno, je veux dire)? Et d’ailleurs, le gynécologue est-il seulement humain?
A première vue, il nous ressemble. Si tu lui enlève sa blouse blanche et son spéculum, il pourrait tout aussi bien être ta voisine Henriette ou le sosie de Laurent Delahousse (si ton gynécologue est le sosie de Laurent Delahousse, la fille veut bien que tu lui files ses coordonnées). Il a deux bras, deux jambes et parfois une paire de lunettes. Bref, il a l’air normal. Sauf que lui, il a fait au minimum 11 ans d’études. Rien que ça, c’est suspect. On pourrait penser qu’un CAP Boucherie suffirait mais en fait le gynécologue est avant tout un médecin. Les gens normaux, eux, sont comptables ou transformistes chez Michou. A la rigueur, kinésithérapeutes. Il faut être passablement dégénéré pour se lancer dans des études de médecine. Et à fortiori pour se spécialiser dans la foufoune et les nichons.
Des études très sérieuses, scientifiquement validées par la fille qui a bac -12, ont démontré que le gynécologue est un pervers polymorphe qui a réussi dans la vie. Enfant, il disséquait des animaux et il a eu son premier orgasme en regardant un épisode de Il était une fois la vie. Adulte, il joue au golf, passe ses vacances aux Bahamas, participe à des congrès sur la prévention des Chlamydia avec d’autres gynécologues et tous ensemble ils font des blagues à base de cyprine et d’endocol qu’eux seuls peuvent comprendre (les sages-femmes se marrent avec les périnées, chacun son truc). Assez souvent, le gynécologue est une femme, ce qui prouve que la perversion n’est pas l’apanage des hommes.
Mais observons-le d’un peu plus près. On remarque qu’il se divise en différentes variétés (comme la mâche qui est une variété de salade à la différence qu’on n’assaisonne pas son gynécologue avec de l’huile de noix et du vinaigre balsamique) (encore que ça pourrait être marrant). Étudions-les de ce pas.
La Brute Epaisse. Il n’est pas foncièrement méchant. Il a juste zappé le cours en fac de médecine où on expliquait que le morceau de chaire autours de l’utérus est un être humain pourvu de récepteurs nociceptifs. Ça tombait pendant le bizutage, pas de bol. Généralement, quand La Brute entreprend de te faire un touché vaginal, tu réclames une anesthésie générale, quand il te fait une échographie endo-vaginale, tu pleures ta mère, et quand il te tâte les seins, tu veux devenir un mec. Les frottis? tu ne t’en souviens pas, tu as tourné de l’oeil juste avant.
Le Paternaliste. Il te parle comme si tu avais 4 ans 1/2. Il te fait penser à Jacques Martin du temps où il présentait l’Ecole des Fans. Tu es tentée de lui faire remarquer que tu es majeure et vaccinée et qu’il peut donc s’adressait à toi normalement mais tu as peur de te faire gronder. Au moins, il t’explique bien ce qu’il fait. « Attention, je vais mettre le gentil spéculum dans ton joli vagin. Surtout n’es pas peur, ça fait pas bobo. C’est bien, tu es été très courageuse. » L’arnaque c’est qu’à la fin de la consultation, il ne te file pas même pas de sucette (par contre, il prend volontiers ton chèque).
Le Congélateur. Il est froid. Bon Dieu, qu’il est froid. Certaines affirment qu’elles l’ont vu sourire en 1973. Tu n’y crois pas, encore une légende urbaine. C’est bien simple, quand tu vas le voir, tu entres en hypothermie direct. Tu te demandes ce qu’il se passerait s’il croisait ton regard, peut-être qu’il te changerait en statut de glace. Heureusement, ça n’arrive jamais.
Le Bisounours. Avec lui, tout est « merveilleux », « formidable », « superbe », « splendide », « excellent ». Au début, tu trouvais ça réconfortant tout cet enthousiasme. Il est chaleureux, on ne peut pas lui enlever ça. Tu as quand même fini par trouver son optimisme pénible quand il t’a affirmé que la prochaine serait la bonne après l’échec de ta quatrième FIV.
Le Marchand de Tapis. Tu veux un gosse? Il peut t’en faire quatre. Tes trompes bouchées? Ton insuffisance ovarienne? La quasi-azoospermie de ton mec? Pas un problème. « Non, madame, je peux vous affirmer que vous n’aurez pas besoin de passer par le don de gamètes ou l’adoption. D’ailleurs, on va commencer par des IAC sur cycles spontanés. Commencez à regarder les poussettes doubles. Ça fera 300 €. »
La Star. Il passe plus de temps sur le plateau des Maternelles que dans son cabinet, il a les dents blanches, il est bronzé même en plein Novembre. C’est trois mois au bas mot pour obtenir un rendez-vous en urgence et ça te coûte un demi-salaire en dépassement d’honoraires. Sinon, il est sympa, il t’appelle Brigitte. Tu t’appelles Nicole mais qu’importe, il parait qu’il a mis au monde les enfants de Monica Bellucci. Du coup, t’as un peu l’impression d’être une star toi aussi.
Le Misogyne. Il déteste les femmes, il les méprise, il les conchie. Il n’y a qu’une seule explication au fait qu’il ait choisi ce métier : il veut leur faire payer. Quoi, tu ne sais pas mais tu paieras toi aussi. Il faut que tu saches que tout est de ta faute. Tout. L’infertilité de ton mec, tes fausses-couches à répétitions, ton utérus contractile et la misère dans le monde. Tu n’es qu’une petite chose geignarde et inutile. Limite, on devrait lui filer la médaille du mérite pour consentir à te soigner.
L’Etourdi. Il te demande comment vont les enfants alors que tu le vois parce que, justement, tu n’arrives pas à en avoir. Il te propose une contraception alors tu es enceinte. Il s’inquiète de savoir si tes règles sont régulières alors que tu n’as plus d’utérus. Ça 10 ans qu’il te suis et rien à faire, il ne se souvient jamais de toi. Tu veux bien comprendre qu’il voit beaucoup de patientes et qu’il ne peut pas se souvenir de toutes mais tout de même, il pourrait au moins lire ton dossier avant de te recevoir. Ça lui aurait évité de te demander comment se passait la grossesse alors qu’il t’a fait un curetage le mois dernier.
Le Grand Ponte. Dieu, c’est Lui. En toute modestie, bien sûr. D’ailleurs, Il n’est pas un vulgaire Docteur. Non, Lui, c’est un Professeur. UN PROFESSEUR, bordel de merde. Tu ne sais pas ce qui Lui vaut ce titre mais à n’enpas douté, c’est mérité. Quand Il passe en coup de vent, drapé dans Sa blanche blouse, dans les couloirs de l’hôpital, le personnel soignant Lui fait la révérence. Une fois, une secrétaire s’est défenestrée parce qu’Il lui a fait remarquer qu’elle avait oublié de mettre du sucre dans Son café. Il est tellement fort qu’Il peut te guérir de ton cancer du col de l’utérus rien qu’en te regardant. Quand Il te sert la main pour te dire bonjour, tu ne la laves plus pendant un mois. Tu as déjà écrit plusieurs fois au Vatican pour les prévenir que le Messie était revenu et qu’Il est gynécologue. Ils ne t’ont jamais répondu. Les cons.
L’Empathique. Il t’accueille en te souriant. Il te demande comment ça va et, truc de dingue, il écoute ta réponse. IL t’explique pourquoi il envisage tel examen, pourquoi il choisi tel traitement. Il répond à tes questions, il te regarde dans les yeux. Il est doux pendant l’examen et te demande de le prévenir si tu as mal. Il respecte ta pudeur, il a prévu un paravent pour que tu puisses te déshabiller et te rhabiller tranquillement. Il t’expose les faits sans jamais chercher à les minimiser où à dramatiser. Il parait qu’il existe. Bon, ben, tu vas continuer à chercher alors. Une chose est certaine, c’est que le jour où tu le trouves, tu ne le lâches pas.
Il existe sans doute d’autre variétés de gynécologues mais la fille est trop fatiguée pour les aborder aujourd’hui (tu connais toutes les variétés de salades, toi?). La tâche est d’autant plus compliquée qu’un seul de ces individus peut parfois appartenir à plusieurs de ces espèces. Nous, femmes infertiles qui le fréquentons assidûment, on le déteste souvent. Impossible de s’en débarrasser. Tout comme le morpions, il s’accroche à nos poils pubiens. On pourrait croire qu’une épilation intégrale suffirait à l’éloigner mais même pas. Le plus terrible, c’est qu’on a besoin de lui (preuve que dans une vie antérieure on a du faire des choses pas jolies, jolies).
(Wouah, deux billets dans la même semaine, c’est le teuf! Ne t’emballes pas, lecteur, c’est un vieux billet que la fille ressort pour que tu te prépares psychologiquement et en douceur à sa non présence blogospérique.)